Les chemins sinueux de l’adolescence (1/2)

L’adolescence est un état bien particulier fait généralement de grands doutes existentiels et de folles euphories collectives. Cette période charnière dans l’existence laisse souvent de grandes traces dans l’existence d’un être humain. On se remet parfois difficilement des choix instinctifs que l’on a pu faire et qui auront de graves conséquences psychologiques ou sociales, on se rend compte beaucoup trop tard que notre entourage amical n’était pas forcément le bon, et on se pose dix mille questions en tentant de comprendre comment notre singularité peut se fondre dans le moule sans perdre son essence. La littérature peut bien entendu puiser dans ce vivier émotionnel pour questionner le genre humain à ce moment si fragile et puissant.

Ecrit en 1923 par Sidonie-Gabrielle Colette, Le blé en herbe est un court roman (95p. dans l’édition Librio) de 17 chapitres qui a marqué une empreinte durable chez de nombreux lecteurs. Lire ce récit et découvrir par la même occasion l’écriture de Colette en 2024 est tout d’abord déroutant tant le style de l’écrivaine est riche et précis. On pourrait même durant les premiers chapitres considérer l’écriture quelque peu ampoulée et précieuse avant de se laisser porter par le rythme poétique des phrases qui découvrent une histoire d’une grande sensualité.

L’été, dans une Bretagne sublimée par l’auteure qui en décrit toutes les subtilités géographiques et sensorielles, Philippe et Vinca, 15 ans et 16 ans, amis depuis la plus tendre enfance, vont connaître un tournant définitif dans leur relation. L’amitié amoureuse qui les unit va être ébranlée par la liaison secrète, charnelle et troublante que va connaître Phil avec une femme plus âgée. Colette, avec la même attention donnée aux paysages maritimes, va décrire le désarroi psychologique et émotionnel de ce jeune garçon poussé vers une sexualité qu’il ne désirait pas de cette manière.

Le blé en herbe diffuse ainsi un bouquet de sensations confuses qui sied remarquablement au trouble de l’adolescence. Sans rien dévoiler de l’intrigue, cette aventure passagère aura certainement des répercussions sur la vie du jeune couple en devenir, et les dernières pages du roman nous assomment avec une lucidité terrifiante sur le jeu social du mensonge et des sentiments. S’il est vrai que ce roman peut légèrement rebuter de prime abord avec son vocabulaire très riche, la force de ce récit adolescent laisse une marque profonde chez son lecteur, au point de se dire qu’on reviendra certainement un jour visiter à nouveau ce territoire littéraire unique où les adultes ne sont que des ombres pesantes entre les jeux insouciants d’enfants aux portes d’un nouveau monde, beaucoup plus retors et manipulateur.

2 commentaires sur “Les chemins sinueux de l’adolescence (1/2)

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  1. Oh, tu ne l’as pas aimé ? C’est vrai que l’écriture peut paraître extrêmement désuète aujourd’hui, j’avoue même avoir été rebuté par les premières pages… Mais au fur et à mesure de ma lecture, le charme a opéré.

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