La maison dans les roseaux, Ueda Akinari

DSCN2796

Les fantômes japonais ont envahi les cauchemars occidentaux principalement par le biais du cinéma. La vague cinématographique horrifique nippone nous a offert dans les années 90 les visions angoissantes de Ring et Dark Water de Hideo Nakata, la série Ju-On de Takashi Shimizu, et toute une ribambelle de films basés, avec plus ou moins de réussite, sur ces mêmes modèles. En effet, l’apparition surnaturelle est chaque fois liée à une malédiction que le protagoniste principal cherchera à comprendre l’origine pour espérer l’endiguer. Mais il ne faudrait pas oublier l’apport inestimable des jeux vidéo qui, avec des expériences terrifiantes comme celle de la trilogie Project Zéro, ont su s’emparer du folklore japonais pour le réinvestir dans de nouveaux outils artistiques. Notons enfin qu’avant cette période, les spectateurs avaient pu découvrir au cinéma dans les décennies précédentes des chefs-d’œuvre tels que Kwaïdan (1964) de Masaki Kobayashi  et Onibaba (1964) de Kaneto Shindō, où les spectres inondaient le grand écran d’une poétique noirceur.

thering1998hd720pdtsac3(Ring, 1998, de Hideo Nakata)

Mais il est plus rare pour le commun des mortels occidentaux de lire quelques pages consacrées à ces entités surnaturelles. Paru en 1776, Contes de la pluie et de la lune de Ueda Akinari (1734-11809) est l’occasion d’y remédier. La maison dans les roseaux (aux éditions Folio 2€) abrite quatre courtes nouvelles tirées de ce recueil : Le rendez-vous aux chrysantèmes, La maison dans les roseaux, Carpes telles qu’en songe… et Le chaudron de Kibitsu.

onibaba3(Onibaba, 1964, de Kaneto Shindō)

A la lecture de ces récits, on ne peut être qu’ébloui par la force impressionniste de la littérature japonaise classique. L’écriture ciselée et poétique de Ueda Akinari fait merveille pour évoquer ce moment ou deux mondes (la réalité et le fantastique) vont se rencontrer et tenter de se comprendre.
Loin de se cantonner à des effets de style pour effrayer le lecteur en manque de sensations fortes, nous avons là tout un panel de situations permettant à chaque fois d’aborder différemment les expériences du surnaturel.

9E20F1061(Kwaïdan, 1964, de Masaki Kobayashi)

Que ce soit par le biais d’une amitié absolue, d’un amour perdu, d’une expérience artistique ou d’une trahison sentimentale, le fantôme s’incarne de manière forte et violente dans le monde des vivants. La nostalgie d’un temps révolu accompagne ces visions fantastiques, plongeant le lecteur dans un espace indéfinissable, où le présent ne serait qu’une brève parenthèse.

Yoshitoshi_The_Ghost

(Le fantôme, 1886, par Tsukioka Yoshitoshi)

L’apparition surnaturelle apparaît alors comme une leçon de sagesse philosophique et poétique que l’homme devra appréhender de façon modeste et courageuse, malgré l’inquiétante étrangeté de la situation, pour transcender sa brève existence ici-bas. La maison dans les roseaux est donc un bon départ pour qui souhaite aborder tranquillement ce pan de la littérature japonaise.

j6kMvBi0rw2CVJqQeISqQ89OEEV(Kenji Mizogshi réalisa en 1953 un chef-d’œuvre du cinéma, Les contes de la lune vague après la pluie, à partir du recueil de Ueda Akinari)

Laisser un commentaire

Site Web créé avec WordPress.com.

Retour en haut ↑